Truth Game      진실게임 



Pour son premier grand rôle à l’écran, Ha Ji-won interprète dans ce film la jeune Han Da-Hye, présidente d’un fan club dont l’idole, la popstar Cho, est retrouvé mort, transpercé d’une seringue en plein cœur. La jeune fille se dénonce à la police et les interrogatoires commencent dans un récurrent face à face en clair-obscur entre la lycéenne et l’inspecteur Jo, interprété par Ahn Sung-Ki.



« Vous devez répondre aux questions que je vous pose. Vous êtes le suspect. Je suis l’inspecteur. »  Ha Ji-Won, dans son rôle d’adolescente au regard inquiétant, baisse souvent la tête lors de l’interrogatoire. « Je vous ai demandé pourquoi vous avez tué Cho. Répondez-moi ! — Je l’ai tué parce que je l’aimais ». Cela ne convient pas à l’inspecteur : « Je ne veux pas jouer à ce jeu avec vous » mais Da-Hye persistera dans sa réponse. L’inspecteur, qui a une fille du même âge que l’accusée, veut en savoir plus sur ces jeunes filles appartenant au fan club du chanteur, qui peuvent passer la nuit entière sous ses fenêtres, avec l’espoir de se retrouver dans son lit. (On a vu cela en France, dans les années soixante-dix, avec Claude François…) Dans cette joute entre l’inspecteur Jo et Da-Hye, cette dernière ne manque pas l’occasion de faire remarquer à l’enquêteur que sa fille a sans doute, elle aussi, une photo de son idole dans son agenda…  « Peut-être qu’elle se masturbe en écoutant sa musique ! » lui lancera-t-elle sans ménagement avant qu’il quitte, furieux, la salle d’interrogatoire. Arrivé chez lui, il arrache tous les posters qui se trouvent accrochés au mur de la chambre de sa fille. Han Da-Hye continuera de lui mettre le doute en racontant les habitudes des jeunes en salle d’étude, filles et garçons qui se retrouvent pour autre chose qu’étudier. La torture de l’interrogatoire n’est plus pour le suspect, mais pour celui qui interroge. 



Truth Game est un thriller psychologique avec des rebondissements jusqu’à la dernière minute. Ha Ji-won interprète un personnage complexe, à la fois redoutable et émouvante face à Ahn Sung-ki, flic obstiné qui ne regardera pas toujours à la méthode pour parvenir à ses fins. Pour ce film, Ha Ji-won reçut le prix du meilleur espoir féminin au 37e Grand Bell Awards et au 1er Pusan Films Critics Awards. Les espoirs seront largement comblés !

 

 

Ha Ji-won et Ahn Sung-ki



« Bonjour, je m’appelle Ha Ji-won »

La jeune comédienne de vingt et un an, saluant chacun sur le plateau à la manière de ses aînés comme Ahn Sung-ki sunbae, son partenaire dans ce thriller sombre. Les deux comédiens se retrouveront par la suite dans deux autres films : en 2005 dans Duelist, réalisé par Lee Myung-see, et en 2011 dans Secteur 7, de Kim Ji- hoon.



Dans le livre de Ha Ji-won, Ahn Sung-ki parle de la jeune comédienne en ces termes : « Ji-won, que j’ai rencontrée pour la première fois sur le tournage de Truth Game, était très impressionnante, ne cherchant pas à être jolie, mais fidèle à son rôle. Bien que débutante, je pouvais sentir qu’elle était pleine de désir et de passion pour le métier d’acteur. »



Il garde le souvenir d’une personne au grand cœur qui s’entendait bien avec les gens et éclatait souvent de rire. Lorsqu’ils se sont retrouvés, cinq ans plus tard, sur Duelist, elle n’avait pas changé, dira-t-il. Pour ce film, elle recevait une formation en arts martiaux comme les hommes et était présente à chaque entraînement, acceptant silencieusement la douleur pour chaque étape de son rôle. Ahn Sung-ki fut comme un professeur pour la jeune comédienne, un modèle qui, en permettant à la jeune Ji-won débutante d’observer et de mémoriser son jeu sur le plateau, lui fit profiter de son expérience de comédien vétéran.




This Moment, publié en 2012.

 



Ditto 동감

 

Ha Ji-won revient sur le grand écran dans un second rôle avec le personnage de Seo Hyeon-ji, la petite amie de Ji-ji (Yoo Ji-tae), l’un et l’autre étant de jeunes étudiants de l’université de Shilla. Passionné de radiocommunication, le jeune homme émet régulièrement ce message : « Appel CQ CQ CQ / C’est DS 21 AVO Delta Sierra One Apha Victor Oscar / Quelqu’un peut répondre ? » et, par une nuit d’éclipse de lune, une réponse finit par arriver : « Bonjour ! Qu’est-ce que vous dites ? » Pas très hardie, la voix hésite mais entamera avec son interlocuteur un dialogue qui se poursuivra durant plusieurs semaines. La personne qui communique avec Ji-ji se nomme Yoon So-eun (Kim Ha-neul). Il se trouve qu’ils font partie de la même université, mais avec une petite différence cependant : Ji-ji est étudiant de deuxième année en l’an 2000 ; So-eun, étudiante en troisième année, vit en 1979 !

Ce beau film romantique, très émouvant, est présenté comme un conte de fées. Le scénario, écrit par Jang Jin, sera repris pour le remake réalisé en 2022 par Seo Run-young1. L’héroïne de Ditto, Yoo So-eun, admirablement interprétée par Kim Ha-neul, est une jeune fille simple, douce et timide. Etudiante en littérature anglaise, elle est amoureuse de Dong-hee (Park Yong-woo), qui reprend des études après avoir fait son temps dans l’armée. Un autre personnage a son importance dans la vie de So-eun : son amie Sun-mi (Lee Seung-min), qui sera hospitalisée après une chute en deux-roues.

Les deux protagonistes de cette histoire, Ji-ji et So-eun, vont vouloir se rencontrer. Le jeune homme, qui maîtrise la CB propose à So-eun de lui prêter un livre sur le sujet pour qu’elle se perfectionne. Ils se donnent donc rendez-vous, le lendemain à 14 heures, devant la tour de l’horloge, en face du bâtiment principal de l’université. A l’heure dite, ils attendent tous les deux entre la tour et le bâtiment principal, sous un beau soleil en 1979 pour So-eun, sous la pluie en 2000 pour Ji-ji ! Après plusieurs rendez-vous aussi incompréhensiblement manqués, suivis d’échanges au cours desquels chacun cite des événements pour preuve de sa bonne foi — comme l’inauguration de la cloche, reportée à cause d’un malaise du recteur, la loi martiale décrétée à Busan ou l’assassinat du président Park Chung-hee — ils commencent à percevoir entre eux comme un étrange problème de décalage horaire. Et le jour où ils évoquent tous deux Kim Young-sam qui vient pour elle de se faire… “expulser de l’Assemblée nationale”, pour lui “élire Président de la République”, ils achèvent ensemble de s’en convaincre : ils ne vivent pas à la même époque.

Les conversations des deux cibistes à propos de ce qu’ils vivent dans un présent qui correspond au passé ou au futur de l’autre les amèneront à découvrir l’importance qu’a eue Yoon So-eun pour les parents du jeune homme, à l’époque où ils étaient étudiants.

En 2008, Ha Ji-won fera partie de la distribution de Ba-Bo, autre film particulièrement poignant de Kim Jung-kwon, avec lequel le réalisateur semble passé maître dans l’art de l’émotion.

 

 1  Ditto remake, réalisé en 2022, avec Yeo Jin-goo, Kim Hye et Bae In-yuk.

Kim Ha-neul est une actrice magnifique.Son interprétatioh en 2024 de la journaliste Seo Jung-won dans la série Nothing Uncovered  en est la preuve très éloquente.

Duelist 형사

 

« Adapter une série à succès au cinéma présentait un risque, déclare Ha Ji-won lors du festival Asiatique de Deauville1, et seul Lee Myung-se pouvait se montrer à la hauteur du projet. »

Les premières images du film, comme un immense tableau, nous présentent le mélange de couleurs, de tissus chatoyants d’un marché où dans une indescriptible mêlée, des personnages se confrontent.

« Il était une fois en Corée, raconte la voix off, un jeune prince héritier qui accéda au trône, et bientôt, le pays tomba dans le chaos absolu. Song, le ministre des armées, se débarrassa de ses opposants et s’empara du pouvoir. De la fausse monnaie se mit à circuler dans tout le pays. Les prix se mirent à augmenter et le peuple en souffrait. L’agent Namsoon (Ah Ji-Won) et son coéquipier l’agent Ahn (Ahn Sung-ki) furent chargés de mener l’enquête dans la plus grande discrétion afin de découvrir l’auteur de la contrefaçon. »

Ce sageuk, dont l’action se situe durant l’ère Joseon, est adapté d’un manhwa (manga coréen) : Damo Namsoon. Dans ce film, comme dans la série Damo réalisée pour la télévision quelques années auparavant, Ha Ji-won joue le rôle d’une enquêtrice au service d’un pouvoir corrompu. Toutefois, à la différence du caractère introverti de Jang Tchaeok, dans Damo, qui n’arrive pas à s’exprimer, ni à vaincre sa douleur, celui qu’elle interprète dans Duelist est extraverti et passionné. Cette jeune femme policière est le vrai personnage masculin du film. Les attitudes, les expressions, le comportement de la comédienne pour l’incarner concourent à donner ce sentiment. Le réalisateur Lee Myeong-se décrit sa rencontre avec Ha Ji-won comme un moment réconfortant : « Son visage a l’air d’un garçon, mais le côté féminin est clairement révélé. J’ai vraiment aimé le fait qu’elle n’ait pas l’air figé comme une image spécifique. C’est un visage qui peut montrer de la diversité. » Pour interpréter le personnage de Namsoon, Ha Ji-won s’inspirera de la façon de marcher, de manger, de s’exprimer d’hommes à la virilité marquée, de type assez macho, comme le détective Woo dans Sur la trace du serpent du même Lee Myeon-se. Le réalisateur voulait que la comédienne campe une guerrière plus coriace qu’un homme, qu’elle soit aussi laide et renfrognée que possible. Il voulait aussi qu’elle rende sa voix rauque, ce qui n’est pas évident pour une femme, précisera-t-elle. Ha Ji-won sait en revanche très bien faire des grimaces. Elle intégrera d’ailleurs celles-ci à sa panoplie d’expressions et s’en servira dans d’autres films. Elle explique dans son ouvrage2 : « Je n’ai pas l’obsession d’être toujours jolie. Je suis acteur avant d’être actrice. Je pense que le plus bel aspect d’un acteur, c’est quand les gens qui le regardent s’immergent dans son jeu. »

Duelist est avant tout un duel amoureux entre Namsoon et Sad Eyes (Kang Dong-won), personnage mystérieux au service du ministre des armées. Faisant pendant avec la masculinité du personnage de Namsoon comme son double inversé, l’image de Sad Eyes est au contraire très féminine et assez froide, dira le réalisateur. Comme dans les drames de Shakespeare, l’amour impossible entre les deux protagonistes s’exprime dans les scènes récurrentes de duel, à travers les mouvements sensuels des corps, les échanges de regards, les croisements de sabres au rythme de la danse et les couleurs adoucies par le clair-obscur. 

 

1 Festival du film Asiatique de Deauville 2006

2 This Moment (2012)

Le réalisateur donnait ses instructions à ses acteurs en comparant les scènes de combat à des scènes d’amour. Ce sont des duels, mais ils sont amoureux. Détail amusant, il leur fournissait des romans sexy à consulter, si cela pouvait les aider. A propos de l’assaut entre bretteurs comparé à l’étreinte entre danseurs, du relâchement brusque pour se détacher comparé au contre-dégagement pour esquiver, Ha Ji-won fit ce commentaire dans son ouvrage1 : « Ce ne sera pas une tâche facile d’appliquer la maîtrise de l’épée au tango ! »

Lee Myung-see, réalisateur à la stature internationale, est catalogué dans le cinéma nouvelle vague expérimental comme moderniste du cinéma coréen. La manière dont il utilise les arts martiaux dans Duelist place la femme et l’homme à égalité, au niveau physique comme mental. Il s’est principalement inspiré, pour la couleur, de la peinture de Matisse ; pour la chorégraphie, du tango. La mise en condition pour ce tournage a exigé des comédiens de longs mois de préparation. Il y avait sur place une équipe spécialisée dans les arts martiaux et une autre de chorégraphes spécialistes du tango.

Rien n’a facilité le tournage de ce film, à commencer par une météo hivernale désastreuse. Le maître des arts martiaux Moon Sik-jung a reconnu qu’il n’était pas évident de faire monter deux cents figurants à l’assaut dans de telles conditions météorologiques. Quant à Ha Ji-won, elle confie dans son livre2 : « Travailler sur Duelist a été si douloureux que j’ai beaucoup pleuré. C’était dur. » Elle dira sa frustration, son désarroi face à des demandes du réalisateur qui ne correspondaient pas à la préparation qu’on lui avait fait suivre et qui l’ont contrainte à exécuter des actions pour lesquelles elle n’était pas entraînée. La comédienne, qui n’arrivait plus à dormir, a vécu ce tournage dans une grande souffrance nerveuse, mais elle a également beaucoup souffert physiquement. Les cordes fines avec lesquelles les comédiens étaient suspendus dans les airs par des grues s’enfonçaient dans les chairs du bassin et provoquaient des gênes. Outre des blessures aux doigts, ces cascades lui ont occasionné des lésions au niveau de la colonne vertébrale qui exigeront un suivi médical sur plusieurs années.

Ahn Sung-ki, qui avait déjà joué trois fois3 sous la direction de Lee Myung-se, se plaignit également des méthodes du réalisateur. Lors d’une interview sur le tournage, il a déclaré : « Lee Myung-se te demande de frapper quelqu’un pour de vrai. C’est impossible, mais Lee te pousse ! » dit-il avec le sourire. Le comédien avait suggéré d’utiliser l’imagerie de synthèse, mais le réalisateur estimait que ça ne rendrait pas bien, que pour donner l’impression que le bâton touche le visage, il faut qu’il le touche vraiment. Le comédien n’était pas d’accord sur la méthode. « Frapper quelqu’un sans raison, c’est de la cruauté, dira t-il. Sur le coup, j’ai voulu tout laisser tomber. »

Le réalisateur se justifiera en précisant : « Si c’est nécessaire il faut avoir recours à la violence, mais tout cela reste dans la limite de ce qui est possible. J’essaie simplement d’innover, c’est pourquoi je peux être exigeant. »

Le film sera récompensé du prix de la meilleure direction artistique au Grand Bell Awards, prix amplement mérité pour la beauté des décors, des costu

 

3 This Moment (2012

4 bid.

5 Ahn Sung-ki a tourné quatre films avec Lee Myung-se : Gagman (1988), Bitter and Sweet (1995), Sur la trace du serpent (1999) et Duelist ( 2005).

mais surtout des couleurs, disposées par petites touches, comme l’aurait fait un peintre au pinceau.

Pour conclure, Ha Ji-won parle de Lee Myung-se en ces termes : « J’ai beaucoup appris avec le réalisateur Lee Myung-se. J’ai acquis ma posture d’acteur et reçu d’autres enseignements avec lui. Un acteur est une personne qui apprend. Lee Myung-se fait étudier les acteurs avec des images, des livres sur la représentation de la lumière dans le film. Mes pensées ont beaucoup évolué en travaillant sur Duelist. En tant que comédienne très désireuse d’apprendre, j’ai apprécié cette collaboration. »

 

 

 

Miracle on 1st Street         번가의 기적

 

 

« Ha Ji-Won est une actrice qui travaille dur. Quand je suis allé au gymnase pour la rencontrer, alors qu’elle apprenait la boxe pour le tournage du film, j’ai été surpris de la voir s’entraîner sur le ring. Non, je ne l’ai même pas reconnue au début. Je pensais que c’était un vrai joueur ! »  Le réalisateur Yoon Je-Kyoon 

 

Le mélange de comédie et de scènes dramatiques n’a pas été du goût de certains, qui ont émis des critiques, plus ou moins amères, sur le mélange des genres. Et pourtant Miracle on 1st street est une belle réussite, entre tendresse, humour et moments dramatiques, comme le fait admirablement le cinéma coréen. 

Le film dépeint la société misérable qui vit dans le quartier de 1st Street, à Séoul. Il y manque l’eau courante, les toitures sont délabrées et les toilettes publiques sont  sans lumière, ce qui fait dire à un gamin, s’adressant à Pil-je (Im Chang-jung), l’envoyé des promoteurs, qui entre dans les lieux d’aisance : «  Fais attention ! Si tu tombes, tu meurs ! » 

Envoyé par des promoteurs sans scrupules, qui veulent forcer les habitants à déménager afin de démolir les habitations pour les remplacer par des buildings ultramodernes, Pil-je finira par se mettre du côté des habitants contre ses anciens patrons. Le petit monde de 1st Street résistera jusqu'à l’arrivée des tractopelles de chantier, qui démoliront les baraques une à une. Les images montrant un grand-père et ses petits-enfants, surpris par le trou que fait l’engin dans leur mur alors qu’ils sont en train de manger, la poussière qui recouvre leur repas, donnent une illustration poignante du drame qu’on leur fait subir. 

Le film dénonce également la bêtise de certains enfants, la méchanceté qu’ils exercent sur les plus petits, comme dans cette scène où deux enfants pauvres, Il-Dong et sa petite sœur Yo-Soon, sont attaqués par une bande petits bourgeois qui leur jettent à la figure toutes les tomates contenues dans le carton que Pil-Je, le gangster au grand cœur, leur avait payé.

Dans ce contexte, la jeune Myung-Ran (Ha Ji-Won) s’entraîne à la boxe pour devenir championne d’Asie de l’Est, afin de prouver à son père (Jung Doo-Hong), ancien champion devenu grabataire suite au combat qui le mit KO, qu’elle peut y arriver. Un flash-back nous montre, à travers ses yeux d’enfant, son père s’effondrer sur le ring.

Le réalisateur ne voyait personne d’autre que Ha Ji-won pour jouer le rôle. La comédienne, qui avait déjà joué sous sa direction Sex is zero en 2002, a accepté sans même avoir lu le scénario. Une fois encore, son endurance à la fatigue a été mise à l’épreuve. Yoon Je-Kyoon était en admiration face à l’incroyable énergie de l’actrice. Alors qu’ils devaient déjà tourner  plus de douze heures par jour, elle continuait ensuite à s’entraîner avec son coach. Il y eut d’ailleurs un incident le dernier jour de tournage, lors de la scène du combat de boxe : au dernier round, la comédienne reçut un coup sur le nez, cria, tomba au sol, perdit connaissance et finit aux urgences. Elle garda quelques jours le nez enflé et des ecchymoses au visage. Le réalisateur voulut terminer les scènes de boxe avec une doublure, mais la comédienne décida de continuer elle-même, ce qui émut tout le monde. De retour sur le ring, elle boxa pendant cinq heures, ce qui fit dire au réalisateur que c'était un miracle !

   

 




BA : BO 바보

(Miracle of a giving-fool)

 

 

« La bande dessinée originale était tellement amusante et touchante ! » (Ha Ji-won lors d’une conférence de presse)

Le premier personnage de cette histoire est Ji-ho (Ha-Ji-won) une talentueuse pianiste de renommée internationale. Prise par le trac lors d’un concert, elle ne peut plus monter sur scène et décide de retourner là où elle a passé sa jeunesse. Le second personnage est présenté par la voix de Ji-ho, au début du film : « Comme n’importe quelle autre ville, nous avons eu un imbécile1 au village. Il n’avait aucune compétence. Faire des toasts était la seule chose qu’il pouvait faire. Cet imbécile attendait quelqu’un. Un jour est devenu un autre jour et une année est devenue deux années. »

A l’image apparaît alorse Ji-ho avec sa valise à roulettes. Elle sort de l’aéroport et prend un taxi, qui la dépose dans son village. Elle marche ensuite dans une rue en traînant sa valise. Et la voix reprend :

« Elle est de retour. »

L’idiot l’aperçoit du haut de son talus et n’en croit pas ses yeux. Il dégringole sur ses fesses pour venir au-devant d’elle. En voyant ce simple d’esprit lui tourner autour, elle s’inquiète. Elle ne reconnaît pas son camarade d’enfance, qui est devenu l’idiot du village. Ainsi commence Babo, petite fable pleine de poésie, l’histoire d’un idiot qui passe une partie de son temps à regarder les étoiles parce que, pour lui, les gens qui meurent deviennent des étoiles et qu’ainsi, il peut parler à sa mère et à son père disparus.

Seun-ryong, l’idiot, est interprété par Cha Tae-Hyun. Le comédien, qui avait été touché lorsqu’il avait lu la bande dessinée, se demandait comment il allait jouer le rôle, mais il n’a pas voulu s’inspirer à l’imitation de handicapés mentaux. Il a créé un personnage attachant, très aimé par Ji-ho qui le voit comme un petit frère et pour qui elle ressent de la sympathie plutôt que de la pitié.

À l’école primaire, Seun-ryong prend toujours les coups à la place des autres, jusqu'à ce que, à la fin de l’histoire… mais on n’en dira pas plus ! Quand le feu est mis dans une classe et que le piano qui s’y trouve est détruit, c’est l’idiot qu’on accuse, même si cet instrument de musique était celui sur lequel son amie Ji-ho faisait ses gammes. Ce n’était pas lui qui avait provoqué l’incendie, mais il sera pourtant renvoyé de l’établissement et Ji-ho, le croyant responsable, ne lui pardonnera pas. On apprend que l’incendie a été déclenché par un camarade, Sang-soo (Park Hee-Soon) qui fumait dans l’établissement, en voyant son visage à la fenêtre, qui regarde Seun-ryong quitter l’école, accompagné par sa mère2. Il restera toujours son ami.

Pour Ha Ji-won, le défi, cette fois-ci, n’était pas dans les performances sportives mais musicales. Bien qu’elle ait appris le piano à l’école primaire, elle devait recommencer depuis les bases, ce qu’elle fit en prenant des leçons, matin et soir, avec la compositrice No Young-shim. La comédienne devait également intégrer les gestes et les postures, la bonne pression sur les touches, ainsi que les légères grimaces faciales d’une pianiste en concert. L’entraînement continuait même dans son sommeil, puisqu’elle rêvait qu’elle faisait du piano.

La vedette de ce film reste Babo, garçon innocent et pur, qui prend soin de sa petite sœur Ji-ho (Park Ha-sun), comme le lui a demandé sa mère avant de mourir… une petite sœur qui évite soigneusement de passer prés de la baraque où son frère fait des toasts parce qu’il est l’idiot qui sourit tout le temps.

 

1 Le manhwa coréen Ba-bo signifie “imbécile”.

La regrettée Jeon Mi-seon, décédée en 2019, interprète la mère de Seun-ryong. Elle a également été l’inoubliable mère aveugle de Hwang Jini, dans la série où Ha ji-won avait le rôle-titre, ainsi que la chamane de Moon Embracing the Sun. Son dernier rôle est celui de la reine Soheon, épouse du roi Sejong le grand, quatrième roi de la dynastie des Yi (période Joseon), fondateur du Hangeul, dans le film The King’s Letters.

 The last  Day          해운대

 


Réaliser un film catastrophe en Corée du Sud en 2009 a représenté un vrai défi. The last Day est le premier film coréen qui réclame un budget digne des blockbusters hollywoodiens. « C’est la peur de l’échec, qui freine le courage, et non la joie de relever le défi », écrit Ji-won dans son ouvrage. La comédienne avait confiance en la capacité du réalisateur Yoon Je-kyoon, avec qui elle avait déjà collaboré en 2002 (Sex is zero) et en 2007 (Miracle on 1st street).



En se promenant, en 2004, au bord de l’immense plage d’Haeundae (arrondissement de Busan), Yoon Je-Kyoon s’est demandé quelles seraient les conséquences, dans ce lieu, d’un tsunami équivalent à celui qui avait déferlé la même année sur l’Indonésie et avait fait 300 000 morts. Le réalisateur laissant la place au scénariste, il va aussitôt élaborer un petit monde de personnages, avec leurs habitudes de plaisanter, de se confronter et de finalement s’aimer lorsque, pour certains d’entre eux, c’est déjà trop tard. Un mégatsunami se prépare sur la côte sud-est de la Corée du Sud, plus précisément dans la zone de Haeundae, la ville la plus peuplée après Séoul. L’endroit se situe en front de mer, avec une plage magnifique de plus d’un kilomètre cinq, recevant chaque année des milliers de touristes. Malgré les avertissements répétés du géologue Kim Hswi (Park Yoon-hoon), qui annonce l’arrivée d’un mégatsunami dont les vagues, d’une hauteur de plus de 100 mètres, vont déferler à 700 km/heure, les autorités mettent du temps à réagir. Lorsqu’ils prendront conscience que le scientifique ne s’est pas trompé, ce sera trop tard.   



L’alliance du comique et du tragique, chère au réalisateur, peut dérouter certains spectateurs. Cela se lit d’ailleurs dans certaines critiques, encore plus « comiques » que le film qu’elles sont censées analyser. Mais pour ceux qui aiment le style de Yoon Je-kyoon — si proche par moments de la satire sociale que l’on retrouve dans le cinéma italien de Dino Risi — alors, c’est un bonheur. La vie est une suite de moments comiques et tragiques. Yoon Je-Kyoon ne fait que refléter dans ses œuvres cette réalité. Des scènes peuvent être également tragiques et comiques à la fois, comme celle du tanker sur le pont qui explose : Dong-chun (Kim in-kwon) court pour éviter les containers qui s’écrasent sur le bitume autour de lui, jusqu’à ce qu’il soit stoppé dans sa course par la chute d’un dernier bloc, dont on peut penser qu’il lui a été fatal. La caméra contourne alors ce bloc et l’on découvre Dong-chun, agenouillé à seulement quelques centimètres de l’énorme cube d’acier.



Les effets spéciaux sont les véritables vedettes de ce film. Même si les responsables des effets visuels coréens (VFX) diront que le résultat peut être d’un niveau acceptable pour le public mais ne brille pas sa grande qualité, ils ajouteront, non sans une pointe de fierté, que, par rapport au temps très court qui leur était imparti, cela tient du miracle d’avoir réussi à recréer par ordinateur le tsunami qui arrive sur les bâtiments et les vagues qui s’écrasent sur les immeubles. En 2009, les Coréens n’avaient pas l’expérience pour réaliser un projet comme celui-là. La production dut faire appel à la société américaine Polygon Entertainment, supervisée par Hans Uhlig, spécialiste de l’infographie liée à l’eau, qui travaillera également sur Sector 7 en 2011. Sur 550 effets visuels, 440 seront pris en charge par les Coréens.  Pour un coût  total de 13 milliards de wons (soit environ 9,8 millions de dollars), le film fera plus de 11 millions d’entrées.  



L’objectif que s’était fixé Ha Ji-won pour interpréter Kang Yein-hee, propriétaire sans licence d’un restaurant de poisson cru, était de rendre le mieux possible le dialecte parlé dans la partie de la Corée du Sud où se déroule le film. La comédienne déclara lors d’une interview qu’elle avait été heureuse sur ce tournage et avait beaucoup ri, au point d’en oublier qu’elle avait le mal de mer !  



Le tournage en Corée dura 76 jours, du 18 août au 8 novembre 2008, avec une météo parfaite, sans pluie et presque sans cyclones. Il fut suivi d’un mois de post-production à San Francisco, pour le travail en images de synthèse.



Yoon Je-Kyoon est perçu, par ceux qui travaillent avec lui, comme quelqu’un de modeste et de très intelligent. Quand il travaille, il concentre toute son énergie en acceptant celle des autres. Cette synergie sera canalisée sur le film, exprimant ainsi ses valeurs et son talent. Le réalisateur, qui tenait beaucoup à ce qu’il y ait de la chaleur humaine dans son film, dira ensuite : « J’ai obtenu un film sans héros, avec de vraies gens ordinaires. »

 











    Closer to Heaven        사랑 곁에



« J’ai sauvé un homme avec l’étreinte chaleureuse de mon cœur »

Une fois encore, Ha Ji-won interprète un rôle où son cœur parle en premier. Son amour pour son prochain est mis en évidence dans ce drame social. Une fois encore, elle nous impressionne. Une fois encore, elle nous touche par la profondeur des émotions qu’elle nous fait partager avec ce rôle difficile. Lee Ji-soon, responsable d’une société de  pompes funèbres, retrouve son ami d’enfance Baek Jong-woo (Kim Myung-min). Une histoire d’amour va naître entre eux mais leur bonheur ne durera pas très longtemps. Jong-Woo apprend qu'il est atteint de sclérose latérale amyotrophique, impliquant une paralysie progressive des muscles concernés. La maladie de Lou Gehrig, comme elle se nomme, est terriblement invalidante mais elle n’altère pas les capacités mentales et sensorielles. 

Kim Myung-min devait perdre 20 kg pour jouer ce rôle. C’était très dur pour lui, ça le rendait malade mais c’était nécessaire pour interpréter ce rôle difficile. Ha Ji-won, sa partenaire, partageait cette douleur et les efforts qu’il devait faire. 

Le personnage qu’elle interprète, Lee Ji-soon, a l’habitude d’être rejeté par les autres. Ses deux anciens maris ont divorcé parce qu’ils ne voulaient plus vivre avec quelqu’un qui touche les morts. Elle est également rejetée par ses clients, mais surtout, elle va l’être par son compagnon, celui qu’elle aime, dont elle veut partager la souffrance au point de s’attacher les mains et les pieds sur un lit pour ressentir la douleur de Jong-woo, avec l’espoir aveugle que lui donne l’amour face à une réalité qu’elle n’accepte pas. « Ne me traite plus comme un cadavre et laisse-moi tranquille, s’il te plaît ! », finira par lui dire Jong-woo. Mais Lee Ji-soon s’acharne jusqu’au bout. Elle refuse de le laisser partir alors qu’il est en mort cérébrale. Elle lui saisit le doigt, le trempe dans l’encre et le presse sur un contrat de mariage en criant : « Tu as promis que tu resterais à mes côtés, tu dois tenir ta promesse ! Ouvre les yeux, regarde, tu dois faire ça pour moi ! » Cet acharnement qui fait preuve d’égoïsme, c’est l’amour aveugle qui refuse la réalité. Ha Ji-won est bouleversante dans ce rôle.

 

L’émotion de la comédienne est d’autant plus forte qu’elle vit son personnage. Dans son livre This Moment, elle décrit son ressenti sur ce tournage, avec le réalisateur Park Jin-pio qui lui donne ses indications lors d’une scène :

« Respirez profondément et faites quelques pas prudents pour entrer dans la maison.  Regardez autour de vous.  — Soudain, les larmes commencent à couler. Ma poitrine me fait tellement mal et j’ai la chair de poule à mesure que mon corps se refroidit. C’est effrayant d’être seule au monde. Jong-Woo oppa me manque tellement… Je veux m’enfuir et retenir mon frère. Comment lâcher quelqu’un que j’aime ? — Le réalisateur : Asseyez-vous sur le canapé et pleurez ! — D’épaisses larmes commencent à tomber et, avant que je me rende compte de mes sanglots, mes larmes coulent de manière incontrôlable. » 

La scène est saisissante. La comédienne vit pleinement son rôle, les larmes coulent également du côté spectateurs, parmi les plus sensibles. « Je n’ai jamais rêvé d’être une star. Je voulais être le genre de personne qui touche le cœur des gens. » confie-t-elle dans son ouvrage… Et au sujet du personnage de Lee Ji-soon, elle écrit : « Avant de lire le scénario, je pensais que c’était une femme forte, un peu effrayante. Mais son histoire m’a tout de suite captivée. En lisant le scénario jusqu’au bout, je me suis complètement immergée dedans. »

La comédienne se coupe les cheveux pour être plus proche du personnage. Elle fait les boutiques pour trouver les vêtements que pourrait porter Ji-Soon, envoyant des photos au réalisateur pour lui demander si ceci va convenir et si cela va plaire à son partenaire masculin.

On apprend également dans le livre de Ji-won que le film est tourné dans l’ordre chronologique. Pour la première fois, elle travaille sans répétition, mais cela ne lui fait pas peur.

Détendue par le parfum des bougies qu’elle a disposées sur tout le plateau, la comédienne vit son rôle en incarnant Ji-Soon bien avant le commencement du tournage. Elle ne ressent pas le script comme un script et ses pensées doivent être exprimées avec son propre langage. La comédienne est impliquée dans le rôle qu’elle interprète au point de se comporter comme le personnage dans sa propre vie et la difficulté pour elle sera ensuite, après le tournage, de quitter Ji-Soon. On peut comprendre que jouer un rôle de méchante femme, comme on le lui avait proposé, n’est pas possible pour la comédienne. Comme cela lui fait peur, elle évite ce genre de rôle qu’elle ne pourrait supporter de vivre pendant plusieurs mois !

 




Parmi les personnes qui occupent la même salle que Jong-Woo, dans cette partie de l’hôpital réservée aux malades atteints de pathologies graves, sa petite voisine de gauche, Seo Jin-Hee, est une jeune patineuse artistique qui a fait, lors d’une représentation, une chute qui l’a rendue paraplégique. Ce personnage sensible, qui partage de très belles scènes avec Jong-Woo, est interprété par Ga-In, célèbre chanteuse K-pop qui retrouvera Ha Ji-won en 2013, pour un film inspiré de Charlie’s Angels : The Huntresses.